Créée en 2017 par la plateforme asiatique éponyme, le Binance Coin est devenu la troisième cryptomonnaie la plus valorisée du marché derrière Ethereum. Explications.
Je suis une cryptomonnaie. Mon cours a explosé depuis le début de l’année. Je suis désormais valorisée 100 milliards de dollars. Je suis ? Non, je ne suis pas le dogecoin, cette cryptomonnaie parodique dont le cours bat des records ces jours-ci. Je suis le Binance coin, alias BNB. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un jeton créé par l’asiatique Binance, la plus grosse plateforme de cryptomonnaie au monde. Depuis le début de l’année, son cours a bondi de 76% alors que celui du bitcoin n’a fait « que » +44% sur la même période. Résultat : elle est désormais la troisième cryptomonnaie en termes de valorisation, derrière les stars Bitcoin et Ethereum. Mais comment ce jeton est-il parvenu sur la troisième marche de ce podium ? Pour le savoir, il faut un peu remonter dans le temps. Le BNB a été créé dans le cadre d’une ICO en juillet 2017, quelques jours avant même le lancement de la plateforme Binance. Souvenez-vous, les ICO, c’était la grande hype crypto de l’époque qui permettait (et permet toujours) à un projet de lever des fonds en cryptomonnaie.
Au total, 200 millions de jetons ont été émis mais seulement 100 millions ont été mis en vente. L’équipe de Binance ayant gardé précieusement l’autre moitié dans le but… de les brûler. Il n’est évidemment pas possible de brûler une cryptomonnaie. Le « burn », comme on l’appelle dans le jargon, consiste à détruire des cryptomonnaies, ce qui réduit son offre totale et permet d’augmenter mécaniquement son cours. « En contrôlant totalement le burn, ils contrôlent le cours », résume Quentin de Beauchesne, fondateur de la communauté CryptoFr. Dès le lancement, Binance avait prévu d’en brûler chaque trimestre via un système de contrats intelligents. Le nombre de jetons qui passe sous l’échafaud est basé sur le volume global des transactions des utilisateurs sur les trois derniers mois. Le dernier burn a eu lieu en avril dernier, ce qui a fait partir en fumée plus de 1 million de BNB pour une valeur de 595 millions de dollars.
Au total, plus de 30 millions de BNB ont été détruits. A ce rythme, il faudrait encore 27 ans à Binance pour arriver à tout brûler. Ce qui est bien trop long pour le CEO de la plateforme, qui a récemment décidé d’accélérer le processus pour en finir d’ici cinq à huit ans. Avec cette intensification de burn, le cours du BNB a donc de fortes chances de continuer à augmenter.
Ce mécanisme, qui n’est pas propre au BNB, n’est pas l’unique raison de la hausse de son cours. D’autres explications sont évoquées dans le secteur comme le lien (trop ?) fort entre le BNB et Binance. « La hausse est autant liée à ses caractéristiques intrinsèques qu’à la psychologie autour du succès de Binance. Beaucoup pensent qu’en achetant un BNB, ils participent au succès de Binance. Mais ce n’est pas une action, il n’y a pas de dividende », souligne Alexandre Stachtchenko, directeur blockchain et cryptos chez KPMG France. Autre facteur intéressant : le BNB a été créé à l’origine pour payer les frais de transaction sur Binance. Plus la plateforme fait du volume, plus le BNB est utilisé. Actuellement, l’équivalent de plus de 4 milliards de dollars sont échangés quotidiennement sur la plateforme, d’après le site spécialisé Messari (ça fait donc beaucoup de BNB !).
Binance profite de la hausse des frais de transactions sur Ethereum, qui tournent actuellement autour d’une dizaine de dollars. « Sur notre forum, tous les nouveaux se plaignent de ne pas pouvoir utiliser Ethereum car c’est trop cher et passent donc sur le réseau de Binance. Et comme ça marche bien, ils continuent », raconte Quentin de Beauchesne.
Un écosystème bien fermé
Derrière le BNB, il y a effectivement un réseau : la Binance Smart Blockchain. Comme Ethereum, la blockchain permet de créer des applications via des smart contracts, des contrats qui s’exécutent automatiquement suite à des conditions prédéfinies. Pour créer et utiliser des applications, il faut payer des frais de transactions… en BNB. Comme le BNB est moins cher qu’Ethereum, l’utilisation de la blockchain de Binance augmente. « La Binance Smart Chain est souvent présentée comme un Ethereum killer. Mais il faut bien savoir qu’elle n’offre pas les mêmes garanties. Elle est centralisée, la plupart des validateurs sont détenus de près ou loin par Binance », fait remarquer Alexandre Stachtchenko. « La centralisation peut aussi être considéré comme un avantage. Quand il y a eu des hacks sur la blockchain, Binance est intervenu tout de suite », nuance Quentin de Beauchesne. Au premier trimestre 2021, le nombre d’adresses uniques sur la Binance Smart Chain s’élevait à 64 millions, contre 148 millions pour Ethereum. Plus de 4,9 millions de transactions quotidiennes étaient réalisées sur le protocole à la même période, versus 1,4 million pour Ethereum.
Binance ne s’est pas arrêté à une simple blockchain. La plateforme a développé tout un écosystème dont la pierre angulaire est le BNB. Elle a par exemple créé des protocoles de finance décentralisée (Defi), la nouvelle hype crypto (les NFT sont aussi hypes mais c’est une autre histoire qu’on vous raconte ici). Par créer, on entend plutôt s’inspirer. « Ils ont vu que la Defi marchait bien sur Ethereum et ont donc fait du copier-coller. C’est très simple à faire quand le code d’un protocole est public », observe Alexandre Stachtchenko. « Ils ont pris celui d’Uniswap (un exchange décentralisé, ndlr) pour créer Pancakeswap, puis YFI (du yield farming, ndlr) pour créer Autofarm… », énumère le dirigeant.
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Avec un écosystème aussi fermé à la Apple, des volumes colossaux et un Ethereum trop cher, l’avenir du BNB semble prometteur. Mais les Etats-Unis pourraient bien briser cette ascension. Lancée en septembre 2019, la plateforme Binance.US est scrutée de près par les régulateurs. « Binance a une casquette chinoise malgré elle (l’équipe dirigeante est hongkongaise, ndlr), ce qui n’est pas un avantage quand on voit les relations tendues entre les Etats-Unis et la Chine », souligne Alexandre Stachtchenko. »Ils ont surtout une insécurité permanente sur le statut de BNB. Si le régulateur américain décide que c’est un security d’un jour à l’autre, non seulement cela peut altérer leur business mais ils peuvent aussi finir en prison. C’est une très grosse épée de Damoclès au-dessus de leur tête. » Et là, il sera impossible de brûler tous les BNB des Américains.
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