Se faire rembourser ses NFT, est-ce vraiment possible ? Le cas Porsche fait réagir

Peut-on se faire rembourser un NFT aussi facilement que retourner un vêtement ? – Si vous parcourez Twitter aujourd’hui, vous êtes peut-être tombé sur le tweet de Paul @darkp0rt qui affirme avoir constaté qu’il existe une possibilité pour les malheureux acquéreurs d’un NFT Porsche de se faire rembourser leur achat. Mais tout cela est-il bien vrai ?

Que dit le droit en matière d’achats réalisés à distance ?

Tout d’abord, il existe, en effet, un droit de rétractation lié à l’achat de biens à distance.
La règle est posée par l’article L.221-18 du Code de la consommation qui dispose en son premier alinéa :

« Le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux articles L.221-23 et L.221-25».

Prenons un exemple simple : vous achetez une cafetière chez Boulanger depuis le site Internet de l’enseigne. Comme il vous est impossible de tester le produit ou même de le visualiser clairement avant de procéder à l’achat, la loi vous donne la possibilité de le retourner gratuitement et de vous faire rembourser dans un délai de quatorze jours.

Si la possibilité de faire usage de votre droit de rétractation n’est pas clairement affichée par le vendeur, la règlementation (article L.221-20 du même Code) prévoit d’étendre le délai de ce dernier à douze mois pour les consommateurs qui ont été mal (ou pas) informés.

Nous y reviendrons dans quelques lignes.

Le tweet à l’origine des rumeurs de remboursement

Mais alors, peut-on faire marche arrière avec les NFT Porsche ?

Ce n’est pas si simple.
Contrairement à beaucoup de projets NFT qui se lancent, Porsche est une grande société, qui dispose d’un service juridique dédié et qui est cotée en bourse. Il est donc logique que le constructeur soigne son image et tente, au mieux, de respecter la réglementation.

Il était donc prévu, lors de la phase de mint que les acheteurs renoncent expressément à l’exercice de leur droit de rétractation.

Porsche avait inclut une clause de renonciation au droit de rétractation au cours du process de mint

Ce faisant, impossible pour eux de solliciter un remboursement ultérieurement.
Et, à la question de savoir s’il est légal de renoncer à ce droit. La réponse est apportée par l’article L.221-25 du Code de la consommation, selon lequel :

« Si le consommateur souhaite que l’exécution d’une prestation de services ou d’un contrat mentionné au premier alinéa de l’article L. 221-4 commence avant la fin du délai de rétractation mentionné à l’article L. 221-18, le professionnel recueille sa demande expresse par tout moyen pour les contrats conclus à distance et sur papier ou sur support durable pour les contrats conclus hors établissement.»

Quiconque a déjà fait l’acquisition d’un jeux vidéo en ligne, quelle que soit la plateforme utilisée (Nintendo, Eshop, Steam, PSN) aura déjà coché une case similaire actant de la renonciation à son droit de rétractation afin que le jeu lui soit immédiatement mis à disposition par la plateforme.

En résumé, si le droit de rétractation fonctionne relativement bien pour les produits physiques achetés en ligne, il est difficile à faire valoir dans la plupart des achats dématérialisés en raison de cette clause de renonciation.

Et pour les projets web3 qui n’informeraient pas leurs clients ?

Là encore, les choses ne sont pas aussi simples qu’il n’y parait.
Comme indiqué plus haut, la logique voudrait que les consommateurs floués par une mauvaise information puissent se faire rembourser dans un délai d’un an suivant l’achat du bien.

Mais alors, cela veut-il dire que je peux me faire rembourser tous mes NFT dont le floorprice flirte, justement, avec le sol ?

Loin de moi l’idée de doucher vos espoirs, mais ce n’est pas certain.

Premièrement, sauf à ce que les sociétés soient basées en Europe comme Porsche ou Renault, il pourrait être compliqué d’obtenir la condamnation de petites sociétés étrangères dont le siège social peut se trouver n’importe où dans le monde. Une assignation devant les tribunaux étrangers, en plus d’être coûteuse, est en plus souvent source d’aléas judiciaires.

Deuxièmement, même si un acheteur parvenait à faire établir la primauté du droit français et européen dans une affaire de ce genre, il pourrait se heurter aux dispositions de l’article L.221-28, toujours du Code de la consommation.
Ainsi, le vendeur pourrait faire valoir l’une des exceptions prévues par la loi au droit de rétractation :

le consommateur a renoncé à son droit de rétractation ; le prix du bien acheté dépend de fluctuations sur les marchés financiers qui échappent au contrôle du professionnel (ce qui est sans doute le cas des NFT achetés par le biais de cryptomonnaies volatiles) ; l’acquisition est intervenue au cours d’enchères publiques.

S’il n’est pas exclu que certaines sociétés aient raté le coche du droit de la protection des consommateurs lors de la présentation et de la vente de leurs collections, il est possible que ces mêmes sociétés disposent d’arguments juridiques valables à opposer aux consommateurs qui se sentiraient lésés. Comme le montrent les dernières actualités en lien avec les NFT, le marché des jetons non-fongibles est plutôt secoué ces derniers temps.

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