« Au terme d’une décennie de surveillance de masse, l’informatique a prouvé qu’elle servait
davantage à brider la liberté qu’à lutter contre le terrorisme. »
Voici ce qu’écrivait Edward Snowden dans son livre Mémoires Vives. Il y a 10 ans, cet ancien employé de la NSA a exposé aux yeux de tout le vaste programme de surveillance de masse mené en secret par le gouvernement américain.
Dans cette vidéo, on parle d’une nouvelle directive de l’Union Européenne qui s’attaque frontalement à votre vie privée et à l’écosystème crypto dans son ensemble. Cette nouvelle mesure est appelée DAC8 et son adoption change à peu près tout pour vous. Traçage de toutes les transactions, fuite de vos informations personnelles, déclarations automatiques de vos wallets crypto… Je vous explique tout ça dans cette vidéo.
L’Europe régule et agit, les USA agissent et régulent
Mais avant, revenons un peu en arrière. Vous le savez sans doute, la réglementation de l’industrie crypto avance à pas de géants depuis l’année dernière, que ce soit en Europe ou bien outre Atlantique. Alors que du côté des Etats-Unis, la SEC ne semble pas vouloir lâcher le morceau en multipliant les attaques envers l’écosystème. En Europe, le son de cloche est un peu différent.
Vous connaissez l’adage, l’Europe régule puis agit, les États-Unis agissent puis régulent. Et question régulation, l’Union Européenne semble bien décidée à mener la vie dure aux crypto. Ainsi, en juin dernier, on a pu assister à la publication de la réglementation MiCA au Journal Officiel.
Pour expliquer rapidement, cette publication est l’étape qui suit l’adoption d’une loi dans le processus législatif de l’UE. Pour rappel, MiCA c’est le cadre législatif qu’on a vu naître en 2022 et qui vise à créer un environnement réglementaire cohérent et uniforme pour le secteur des cryptomonnaies en
Europe.
Bon, les objectifs affichés de cette réglementation sont plutôt simples : lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, protection des consommateurs, régulation des entreprises du secteur… Vous connaissez la chanson. MiCA soulève pas mal de craintes de la part de l’écosystème, et c’est normal.
Déjà, la rédaction actuelle de la loi est très floue sur la catégorisation des crypto actifs. Dans le texte, les cryptomonnaies sont classées en trois catégories potentiellement ambiguës et jugées peu claires au regard de la réalité actuelle de l’industrie crypto. De plus, certaines restrictions, comme celles imposées aux émetteurs de tokens par exemple, sont considérées comme excessivement contraignantes, mettant en danger l’innovation du secteur en Europe.
D’ailleurs, disons-le, MiCA n’a pas vraiment l’air de reconnaître l’innovation apportée par l’industrie, mettant encore plus en danger les acteurs souhaitant entreprendre dans la juridiction européenne. Pas plus tard que jeudi dernier, la responsable juridique de Binance France déplorait que l’Europe se dirigeait vers une radiation pure et simple de tous les stablecoin d’ici l’année prochaine. Bref, voilà où on en était jusqu’ici.
Je dis bien jusqu’ici, car une nouvelle couche réglementaire semble vouloir être ajoutée en parallèle de MiCA par les eurodéputés. Ce nouveau cadre porte le nom de DAC8 et n’est autre que la continuité de toutes les directives européennes sur la coopération administrative.
Ces directives contribuent à harmoniser les pratiques fiscales et à promouvoir une
fiscalité équitable au sein de l’UE. Jusqu’ici, il y en avait sept qui couvraient un spectre plutôt large d’informations financières concernant à la fois les contribuables, mais aussi les entreprises. Comprenez bien que toutes ces informations sont collectées et échangées, de manière souvent automatisée, entre les États membres.
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DAC8 ou les cryptos sous haute surveillance
Début septembre, une nouvelle directive est venue compléter les précédentes. Il s’agit donc de la fameuse DAC8, votée et approuvée le 13 septembre au parlement européen avec près de 535 voix favorables pour 57 voix opposées, rien que ça.
Bon, mais qu’y a-t-il de si intéressant dans ce nouveau cadre réglementaire et en quoi ça nous concerne ? Ne bougez pas, on va décortiquer ça ensemble.
En gros, le texte prévoit la surveillance de l’intégralité des transactions en cryptomonnaies réalisées par des organisations opérant dans les pays membres de l’Union Européenne avec un but affiché similaire à MiCA, empêcher la fraude, l’évasion fiscale, et le blanchiment d’argent.
Quand je dis surveillance intégrale, ce n’est pas une blague. Les entreprises auront l’obligation réglementaire de transmettre l’activité de tous leurs utilisateurs aux autorités fiscales dont elles dépendent. De plus, elles auront l’obligation de communiquer automatiquement ces informations au fisc du pays de résidence de chaque usager. Le champ d’action de cette loi est très large.
D’abord, il s’applique à peu près à toutes les cryptos, des tokens de paiements jusqu’aux tokens représentant des parts d’entreprises en passant par les stablecoins et certains NFT. Basiquement, tout ce qui peut être utilisé comme moyen de paiement ou d’investissement.
Concernant les informations, ça va du nom à l’adresse postale en passant par la date de naissance et le numéro d’identité fiscale. Mais ce n’est pas tout, on l’a dit, ça concerne aussi les transactions. Le texte prévoit que les exchanges devront communiquer l’intégralité des transactions réalisées dans l’année par leurs utilisateurs, ça concerne les retraits et les dépôts bien sûr, mais également tous les échanges, que ce soit de la crypto vers du fiat, ou bien de la crypto vers d’autres crypto. Le staking, le lending et les airdrops sont également de la partie.
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Des directives qui nous concernent tous
D’ailleurs, on pourrait croire que ce texte ne concerne que les exchanges, mais pas vraiment. En fait, il couvre absolument toutes les personnes morales qui effectuent des services sur crypto-actifs. Plus précisément, le scope prévoit deux types d’acteurs.
Ceux qu’ils appellent les fournisseurs de crypto-actifs et ceux qu’ils nomment les opérateurs de crypto-actifs. La première catégorie, ce sont les exchanges et toutes les entreprises qui proposent de la conservation, de l’échange, du trading, du placement, du transfert, et même du conseil. En clair, tous ceux qui sont d’ores et déjà concernés par la réglementation MiCA. La seconde catégorie est plus folklorique et en gros, elle concerne tous ceux qui touchent à des cryptos, mais qui ne peuvent pas être qualifiés d’institutions financières par MiCA.
Dans le texte, ils parlent des NFT, on peut par exemple penser à tout ce qui touche au secteur de la GameFi. On vous a déjà parlé d’Ultra, la plateforme qui veut tokeniser vos jeux et concurrencer Steam. Il se pourrait bien que l’entreprise tombe dans cette catégorie. Si c’est le cas, Ultra devra faire en sorte de communiquer aux autorités chaque achat et vente de jeux, et même chaque transaction in-game. Imaginez, vous achetez une épée sur votre jeu préféré et toute l’administration fiscale française se retrouve au courant… Bref, autant dire qu’à peu près toutes les entreprises ayant une activité en lien avec les cryptomonnaies sont concernées.
Évidemment, le texte prévoit qu’en cas de données incomplètes, incorrectes ou fausses, des amendes plutôt salées seront distribuées. Le montant minimal de celles-ci sera de cent cinquante mille euros pour les entités dont le chiffre d’affaires dépasse les 6 millions d’euros.
C’est important de comprendre ici que tout cela sera automatisé pour permettre une communication et une fluidité d’informations à l’échelle européenne. C’est un véritable changement de paradigme et un tournant dans ce qui nous attend vis-à-vis de la réglementation future de l’industrie. Oui, comme l’ont très bien explicité certains, là où il était très compliqué pour le fisc d’aller chercher certaines informations, ces directives vont tout changer et leur offrir une vue d’ensemble sur les comptes et les activités de tous les utilisateurs.
Évidemment, des critiques se sont élevées. Au-delà de l’aspect intrusif du DAC8, certains arguent que cela rajoute une extrême lourdeur administrative. Aussi, des passages pourraient manquer de clarté et mener à de mauvaises interprétations du texte. Enfin, il y a des craintes d’un manque d’efficience, en regard du risque de récolter plusieurs fois certaines informations.
En tout cas, les États membres de l’Union Européenne ont jusqu’au 31 décembre 2025 pour prendre connaissance et adopter cette nouvelle réglementation qui prendra effet dès 2026. Et ne pensez pas que vous pourrez vous échapper si facilement, puisque utiliser des plateformes étrangères ne vous sauvera pas. Dans la pratique, il est très probable qu’à terme, les entreprises n’étant pas régulées en Europe se voient purement et simplement interdire de servir des clients européens.
Étant donné que les procédures de vérification d’identité pour ce genre de service sont quasiment devenues la norme, il ne sera pas si facile d’y échapper. Certains voient un nouvel âge d’or de la DeFi se profiler. Dans l’idée, les protocoles de finance décentralisés pourraient en effet permettre d’échapper à cette surveillance et de passer entre les mailles du filet.
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