Yves Saint-Laurent Beauté, La Française des Jeux, L’Equipe, Renault, Alpine F1… En moins de deux ans, le cabinet de conseil de Karen Jouve, Doors3 devenu Doors Consulting Group, est devenu un acteur incontournable pour les marques et grands groupes qui veulent développer une stratégie dans le web3. Entretien.
Pouvez-vous nous présenter votre groupe ?
Il se divise en plusieurs structures : Doors3, qui est un cabinet de conseil indépendant dédié au web3 et au métavers, a eu un développement assez fort depuis un an et demi, ce qui nous a amené à créer plusieurs marques, puis un groupe, Doors Consulting Group. Doors3 travaille avec des leaders de leur secteur : La Française des Jeux, Yves Saint-Laurent Beauté, Renault, Axa…
Nous avons aussi Doors Sport, qui est une agence web3 dédiée au sport et à l’e-sport. Nous travaillons avec Alpine F1, la Fédération française de football (FFF), le Rugby Club toulonnais, la Ligue de rugby, ou encore Team Vitality dans l’e-sport.
Nous avons également créé Doors Lab, qui est notre lab tech. On s’est vite rendu compte que c’était important d’aider nos clients à dessiner des infrastructures et des architectures blockchain avant pour eux de passer à l’échelle. Nous faisons de l’audit et de la due diligence pour nos clients afin de leur recommander les meilleurs acteurs du marché. Enfin, nous avons Dive, notre studio créatif et de métavers et gaming, qui nous permet de travailler avec des acteurs comme Metav.rs ou The Sandbox.
Comment avez-vous évolué depuis votre création ?
C’est une belle success-story, puisque nous nous sommes créés il y a un peu moins de deux ans. Nous sommes passés de 2 à 15 collaborateurs sans lever de fonds. Nous avons 40 clients qui sont des grands groupes leaders de leur secteur, et on se développe assez fortement à l’international. Nous serons présents à Dubai la semaine prochaine. Notre ambition c’est d’être le leader des accompagnements des grands groupes et des organisations pour leurs projets web3 et métavers.
Moi j’ai un profil atypique, car je ne viens pas du monde de la tech. En début de carrière j’ai intégré un grand cabinet de conseil, spécialisée dans la transformation digitale, puis je me suis lancée dans la blockchain en 2017-2018. On a fait le choix de s’installer à Marseille, à la fois parce que c’est d’où nous venons et que nous adorons la ville, et ensuite parce que quitte à travailler dans le web3 décentralisé, on s’est dit que ce serait bien de rompre avec les cabinets basés à Paris.
Qu’est qui explique cette forte croissance ?
A notre création, beaucoup nous ont pris pour des fous. Quand on a créé Doors3, nous avions déjà des sollicitations de clients, l’expertise du web3 et du conseil, cela donc été assez rapide de mettre le pied à l’étrier et de proposer des missions. Ensuite, nous avions compris le besoin d’apporter une vision, du contenu, à de grands dirigeants qui n’y comprennaient pas grand chose au web3.
Le web3 a un côté dégen avec ses acronymes. Nous avons fait le pari de leur expliquer les cas d’usages, quel est l’intérêt pour eux. En étant présent à beaucoup d’évènements, et en faisant beaucoup de formations et d’acculturation, nous avons réussi. Nous sommes aussi trois associés, trois passionnés, qui avons des convictions et qui aimons les véhiculer. Sans doute que nous avons réussi à convaincre les entreprises de prendre le risque d’innover. Le bouche-à-oreille nous a aussi apporté beaucoup de clients.
Même si le marché est bas, pour les corporate c’est le bon moment pour mener ce type de projets web3, qui sont sur du long terme. Ils sont plus à l’aise d’entrer maintenant plutôt qu’en bull market, où il fallait faire des coups one-shot.
Comment le monde corporate perçoit-il le web3 aujourd’hui ?
Les choses ont beaucoup changé depuis deux ans. Je distinguerais trois catégories de corporate aujourd’hui. La première, ce sont ceux qui considèrent que le web3 est l’avenir de leur modèle économique, et qui investissent du temps, de l’argent, des équipes, une vision claire, c’est environ 30%. Ensuite, il y a ceux qui s’y intéressent mais ne sont pas encore complètement convaincus du ROI final, des KPI que cela va leur apporter. C’est environ 40%
Et puis il y a encore 20% qui virevoltent avec les buzz, et qui considèrent que le web3 n’existent plus parce que maintenant c’est l’IA. Ils n’ont pas encore perçu la valeur ajoutée derrière. On est passé d’une phase d’euphorie et de coups marketing, à une recherche de sens et de valeur ajoutée, donc une phase d’éducation et de construction.
Vous diriez que ce sont les grandes entreprises qui sauvent le web3 actuellement ?
Je ne dis pas que c’est grâce aux corporate que le web3 existe, mais la majorité des projets qui sortent en ce moment viennent des corporate en effet. Ils n’ont pas un attachement au marché crypto en tant que tel. Si on regarde les cas d’usages les plus tendances aujourd’hui, autour des programmes d’engagement, du web3 for good ou de la tokénisation d’actifs, ils ne vont pas chercher le côté spéculatif. Que le marché soit bas ou haut, ils ont tout intérêt à y aller pour d’autres enjeux.
Quelles sont les industries qui n’ont pas encore fait le saut dans le grand bain du web3 ?
Le luxe, le retail, le sport, le divertissement, l’automobile sont à la pointe. Ceux en revanche pour lesquels il n’y a pas encore beaucoup de cas d’usage, c’est le secteur public, alors qu’il y a beaucoup d’opportunités. Mais aussi les transports (on commence à voir les compagnies aériennes), l’énergie, l’hospitalité (hôtellerie et restauration). Et la santé, domaine dans lequel il y a eu beaucoup d’espoir autour de la traçabilité ou le métavers. Mais on ne voit pas encore de cas d’usage qui ont changé la donne.
Si vous deviez citer quelques projets web3 réussis selon vous, quels seraient-ils ?
Dans les cas d’usages pertinents, même s’ils ne font pas partie de nos clients, on peut citer Dior qui a mêlé des NFT à des objets physiques, sur une logique de Digital Product Passport (DPP) autour de ses sneakers, avec l’idée de faire du web3 sans le dire. A aucun moment ils n’ont employé le mot NFT ou web3. C’est la tendance de plus en plus. Il y a aussi Lacoste, autre un best-case, qui a démarré sur une logique très communautaire, et qui continue sur une logique de fidélisation.
De notre côté, nous accompagnons une très grande marque de luxe fashion, dont le nom sera révélé début décembre sur un gros programme d’engagement, de fidélisation et de collaborations web3. Et puis je citerais le Rugby Club toulonnais que nous avons accompagné, et qui construit la notion de fan expérience de demain, avec des tickets collectors sous forme de NFT pour récompenser les supporters les plus fidèles au stade, ou en créant le premier métavers du sport français. Enfin, je citerais l’Université Paris Dauphine, que nous avons aidée à adosser un de leur diplôme à un certificat blockchain sous forme de NFT.
Vous avez accompagné le Ballon d’Or l’année dernière en créant un double numérique sous forme de NFT. Est-ce que cela sera reconduit cette année ?
C’est réussi mais pas renouvelé. L’Equipe ayant d’autres sujets plus long terme, ils ont décidé de ne pas refaire de drop NFT cette année pour la cérémonie du 30 octobre. En tout cas ils ont une communauté active et des projets plus longs termes sont envisagés.
Quelles sont vos projets phares pour les mois à venir ?
On va révéler un gros projet dans le domaine du web3 for good, un thème qui nous tient à coeur. Début 2024, on va sortir le premier jeu play-to-earn de la Française des Jeux, basé sur la blockchain et les NFT, qui s’appellera “Ultimate Numbers”, et que nous sommes en train de construire avec Cometh, le studio de jeux vidéos. On sort aussi un projet autour de l’engagement des collaborateurs, à l’occasion des Jeux olympiques, en partenariat avec Cohort, début 2024. Et puis en interne, on va sortir notre propre token pour montrer à nos clients ce qu’on est capable de faire en matière d’engagement de nos collaborateurs.
Vous allez poursuivre les recrutements ?
Oui. Notre enjeu c’est de continuer d’asseoir notre positionnement de leader, et pas seulement qu’en France, mais à l’international. D’où nos projets de développement sur la zone du Moyen-Orient, aux Etats-Unis, mais aussi l’Asie. Nous avons l’ambition de doubler voire tripler notre chiffre d’affaires, sachant que nous sommes très fiers de nous être auto-financés et d’avoir généré toute cette croissance sans faire de levée de fonds. L’an prochain, nous serons au moins une vingtaine, et nous recherchons des profils expérimentés pour nous permettre d’atteindre nos objectifs.
C’est quelque chose que vous excluez totalement ?
Sur notre activité coeur de conseil, nous nous payons par nos missions. La seule partie sur laquelle nous pourrions éventuellement lever des fonds, c’est sur la partie tech, même si ce n’est pas dans notre roadmap à ce jour.
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