Layer 2 et autres rollups sauveront-ils Bitcoin ?

Cela fait maintenant plusieurs années qu’Ethereum a abandonné la scalabilité on-chain au profit des solutions de seconde couche (layer 2). Suite à l’avènement des Ordinals sur Bitcoin, le phénomène des rollups, largement inspiré d’Ethereum, commence à faire son apparition sur Bitcoin. Explorons ensemble les tenants et aboutissants de cette tendance grandissante.

Bitcoin et les limites de la programmabilité

Bitcoin est un protocole dit ossifié. Cela signifie que le protocole est volontairement limité en termes de fonctionnalités et peu évolutif, afin de privilégier la sécurité.

Sous le capot, Bitcoin utilise un langage appelé Script, qui permet de définir et exécuter les conditions de dépense d’une transaction. À l’image de Bitcoin, Script est intentionnellement limité en capacités pour maintenir la sécurité et la simplicité du réseau Bitcoin

De surcroît, Script n’est pas un langage dit « Turing Complete ». En d’autres termes, Script ne peut réaliser qu’un éventail limité d’opérations mathématiques. Par conséquent, l’absence de certaines opérations de calcul engendre des limitations programmatiques. Il n’est par exemple pas possible d’effectuer des boucles dans ce langage, ce qui est une décision de conception pour éviter les scripts infinis qui pourraient bloquer ou ralentir le réseau.

De ces limitations est né le protocole Ethereum, imaginé par Vitalik Buterin en 2013. Son idée initiale étant de créer une seconde couche de Bitcoin qui elle serait Turing-Complete, à savoir qu’elle serait en mesure de calculer tout ce qui est calculable. La suite vous la connaissez, face au manque de soutien de la part de la communauté Bitcoin, Vitalik Buterin lancera Ethereum en tant que blockchain distincte et embarquant un langage Turing Complete intitulé Solidity.

Ce débat sera par la suite relancé aux alentours de 2017 avec l’arrivée de plusieurs sidechains sur Bitcoin. Nous pouvons notamment citer la sidechain Liquid développée par Blockstream.

Le problème des sidechains et l’arrivée des Layer 2

Les sidechains, telles que Liquid, sont des solutions qui permettent d’étendre les capacités de Bitcoin. Elles offrent des transactions plus rapides, moins coûteuses et plus de possibilités de programmabilité.

Néanmoins, elles ont rapidement montré leurs limitations. En effet, elles introduisent des compromis significatifs en termes de sécurité et de confiance.

Contrairement à la blockchain Bitcoin, qui est sécurisée par un réseau de mineurs, les sidechains dépendent souvent d’une entité centrale chargée de valider les transactions et qui opère le pont entre Bitcoin et la sidechain.

Schéma du fonctionnement du pont centralisé de Liquid.

Cette centralisation augmente le risque de censure et de manipulation des transactions, annihilant de fait le principe de décentralisation et de sécurité inconditionnelle intrinsèque aux valeurs de Bitcoin.

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Le cas des L2

Fort de ces découvertes, les développeurs se sont orientés vers des solutions dites de seconde couche ou layer 2. Ces dernières ont pour but de mitiger les limitations identifiées dans les sidechains.

Par exemple, le projet RSK infrastructure framework, cherche à offrir les avantages des sidechains tout en minimisant leurs inconvénients. 

Il s’agit d’un L2 de Bitcoin qui est sécurisé via le minage fusionné (merged-mining) avec Bitcoin. Cela signifie que RSK bénéficie de la sécurité de la blockchain Bitcoin tout en offrant une plateforme pour des applications décentralisées et des transactions plus rapides. 

Les solutions de Layer 2, telles que RSK, Lightning Network, et d’autres, visent à résoudre le trilemme blockchain de la scalabilité, la sécurité, et la décentralisation, en construisant sur la robustesse de la blockchain principale sans compromettre ses principes fondamentaux.

Néanmoins, à l’instar des sidechains, ces layers 2 n’ont pas fait l’unanimité. Bien qu’ils soient dans le paysage crypto depuis plusieurs années, ces dernières peinent à attirer les utilisateurs.

Plusieurs éléments peuvent expliquer cela : les problèmes liés aux coûts de calcul, l’intérêt des développeurs ainsi que le manque de croissance de l’écosystème DeFi sur Bitcoin.

Ordinals et BRC-20 ouvrent la porte de l’innovation

Cependant, en 2023 nous avons été témoins d’un regain d’intérêt massif autour de Bitcoin. Avec le lancement des Ordinals sur Bitcoin, un nouveau chapitre s’est ouvert pour l’innovation au sein de l’écosystème Bitcoin. 

Les Ordinals introduisent une méthode permettant d’inscrire des données directement sur les satoshis, les unités les plus petites de Bitcoin. Cela a permis pour la première fois de marquer chaque satoshi avec des informations spécifiques, ouvrant la voie à des applications telles que des tokens non fongibles (NFT) directement sur la blockchain Bitcoin.

Peu après, l’innovation s’est poursuivie avec l’introduction des BRC-20. Inspirés par les célèbres ERC-20 d’Ethereum, les BRC-20 sont un standard pour la création de tokens fongibles sur la blockchain Bitcoin. Une avancée de taille pour Bitcoin, car elle offre une alternative aux smart contracts d’Ethereum, permettant une diversité d’applications financières décentralisées (DeFi) et d’actifs tokenisés directement sur Bitcoin.

Ces deux innovations ont donné lieu à un essor sans précédent sur Bitcoin. Ainsi, nous avons assisté à la première vague d’innovation DeFi sur Bitcoin. Avec des développeurs qui créent des ponts, des AMM et des CDP pour transférer les BRC20 de Bitcoin à Ethereum.

La révolution BitVM

Toute cette effervescence s’est cristallisée pour donner naissance en octobre 2023 à BitVM. Ainsi, le 9 octobre, le développeur Robin Linus a publié un papier intitulé « BitVM : Compute Anything on Bitcoin » Sans le savoir, il venait de poser la pierre qui servira de fondement à l’essor d’un nouveau phénomène sur Bitcoin.

Sans trop entrer dans les détails, BitVM permet de décupler les capacités de calcul du langage Script. Pour ce faire, BitVM repose sur la vérification hors-chaîne des calculs tout en garantissant leur validité et véracité on-chain via la publication de preuves.

Si vous suivez de près Ethereum et le développement des rollups, ce mécanisme vous est peut-être familier. En effet, BitVM utilise une approche similaire à celle utilisée par les rollups sur Ethereum.

L’avènement rollup sur Bitcoin

Évidemment, de nombreux développeurs ont identifié cette ressemblance évidente avec les rollups d’Ethereum. Ainsi, nous avons vu se multiplier les projets de rollups sur Bitcoin tirant parti des fonctionnalités introduites par BitVM.

Contrairement aux sidechains et aux L2 classiques, les rollups disposent d’une sécurité accrue. En effet, ils bénéficient directement de la sécurité du L1, via la publication de preuve d’état sur la chaîne principale.

Dès mars 2023, les premières ébauches de rollups sur Bitcoin voient le jour avec le projet Rollkit. Toutefois, cette solution ne propose alors que le déploiement de rollup souverains, qui n’héritent pas directement de la sécurité du L1. Une première étape certes, mais qui n’apporte pas de grande évolution en comparaison avec les L2 et Sidechains habituelles.

ChainWay et son rollup Citrea

En octobre, c’était au tour de ChainWay de dévoiler les premiers résultats de son zk-rollup en développement. En pratique, ChainWay souhaite créer un zk-rollup entièrement EVM compatible qui évolue en parallèle de Bitcoin. Au moment de l’annonce, ChainWay avait dévoilé une démonstration de son Sequencer. Pour rappel, il s’agit du module chargé de gérer les transactions EVM et de publier le bloc L2 sur le réseau Bitcoin en utilisant le système d’inscription démocratisé par les Ordinals.

Depuis, ces recherches ont donné naissance à un projet de zk-rollup intitulé Citrea.

« Pour la première fois dans l’histoire de Bitcoin, les preuves de validité de Citrea sont inscrites et vérifiées nativement dans la blockchain Bitcoin. Citrea est livré avec un contrat intelligent de vérification de la preuve ZK sur Bitcoin L1, construit dans BitVM. »

Il y a quelques jours, le projet Citrea a d’ailleurs annoncé avoir finalisé une ronde de financement de type seed d’un montant de 2,7 millions de dollars auprès de Galaxy et Delphi Ventures.

Néanmoins, le projet est encore en développement et fait actuellement l’objet d’un devnet. Un testnet public devrait quant à lui arriver dans les mois à venir.

Évidemment, Citrea n’est pas le seul projet de ce type. Nous pouvons par exemple citer les projets SatoshiVM et bSquared, qui tente de mettre au point des zk-Rollup sur Bitcoin.

Nous pouvons également citer les projets Botanix ou Bevm, qui font le choix d’une architecture plus proche des layers 2 classiques.

Rollups sur Bitcoin : Réelle innovation ou poudre aux yeux ?

Néanmoins, ces solutions sont loin d’être parfaites et présentent de nombreuses limites.

Limite du L1

Premièrement, ces solutions de L2 sont intrinsèquement liées aux capacités et fonctionnalités offertes par la couche sous-jacente, ici Bitcoin. Ainsi, il est probable que ces solutions rencontrent des limitations qui sont inhérentes au Bitcoin et qui nécessiteraient une modification du L1.

Par exemple, le réseau Ethereum s’apprête à déployer Proto-Danksharding, une solution qui vise à faciliter et réduire le coût du stockage des données des L2. Sans de telles modifications, les L2 de Bitcoin atteindront rapidement les limites héritées du L1.

Risque de centralisation

Dans un second temps, les zk-rollups fonctionnent grâce à trois modules distincts à savoir Prover, Verifier et Sequencer. La plupart du temps, ces différentes composantes du système sont opérées par les équipes du projet, engendrant une importante centralisation au niveau de ces points critiques du réseau. Ainsi, malgré l’usage de preuves zero-knowledge, les utilisateurs doivent tout de même accorder un certain degré de confiance à ces 3 composantes.

Limitation de la puissance de calcul

Toujours dans le cadre des zk-rollups, ces derniers peuvent rencontrer des limites en termes de capacité de calcul. En effet, la génération de preuves zero-knowledge est une procédure demandeuse en puissance de calcul, ce qui se répercute directement sur les frais de transactions sur le L2. Ainsi, les opérateurs de L2, qui facilitent la création et la soumission de ces preuves à la blockchain principale, doivent compenser les coûts associés à la puissance de calcul et à l’infrastructure nécessaire. En conséquence, ces coûts peuvent être répercutés sur les utilisateurs sous forme de frais de transaction plus élevés comparativement à d’autres solutions de Layer 2 qui ne reposent pas sur des preuves à connaissance nulle.

Ainsi, bien que les rollups sur Bitcoin semblent être une solution toute trouvée aux problèmes de scalabilité, leur mise en œuvre n’en est pas pour autant triviale.

À l’instar des L2 sur Ethereum, il est probable que nous devions attendre plusieurs mois, voire années pour que l’écosystème des L2 Bitcoin arrive à maturité.

Quoi qu’il en soit, ces solutions pourraient être au cœur d’une narrative puissante pendant le bull run qui vient de démarrer. À la manière des Ordinals ou des BRC-20, ces solutions pourraient bien rencontrer un fort intérêt de la part des utilisateurs, si elles venaient à tenir leurs promesses.

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